Le corps dans l’aventure

Samedi 9 novembre à 17h00 café littéraire

table ronde avec Morgan Segui et Pierre-Antoine Guillotel
animation Faustine Benoit – public adulte

En voyage, en aventure, le corps est mis en action. Il marche, il grimpe, il porte un sac, a chaud ou froid… Certains voyageurs mettent leur corps à l’épreuve des lieux qu’ils arpentent, dans un esprit sportif ou simplement de rythme de voyage. Les deux invités ont vécu dans leur chair des situations extrêmes, comment ont-ils rendu ces épreuves dans leur récit ?

Acrobate formé à l’École nationale du cirque Annie Fratellini, designer diplômé de l’École nationale supérieure de création industrielle, Morgan Segui a travaillé pour les services culturels des ambassades de France au Kazakhstan et au Maroc. Il vit au Timor-Leste lorsqu’il tombe du haut d’une falaise.

Après ses études, Pierre-Antoine Guillotel, 24 ans, s’envole pour une traversée de l’Amérique du Sud, puis voyage en Nouvelle-Zélande et devient marin pêcheur en Australie. La rudesse de l’activité lui permet de satisfaire son goût pour l’intensité et son désir d’écriture. Début 2019, un grave accident l’immobilise. Durant sa rémission il se promet notamment de réaliser son rêve d’enfant : explorer la nature sauvage désertée par l’homme en la parcourant le plus lentement et le plus simplement possible, à pied.

Cinq jours au Timor, éd° Premier Parallèle

“Je suis le malae, l’étranger. Les Timorais ont connu trop de déboires avec les étrangers, donneurs d’ordre ou de leçons. Cinq cents années de colonisation portugaise, la guerre d’indépendance et les massacres indonésiens. Trois cent mille tués, soit un quart de la population disparue et massacrée. le silence complice des instances internationales, dont française, alors que se perpètraient des crimes massifs contre une population souhaitant recouvrer enfin et simplement son indépendance. Puis, après l’installation d’un gouvernement stable, le manque de fair play australien quant au partage des champs de pétrole offshore, et enfin un éparse en charge quasi systématique de l’appareil d’État par l’ONU et des ONG du monde entier. Alors un malae qui n’écoute pas, qui “se croit plus malin”, rien de très nouveau pour cette honorable vieille dame.”

Island, l’appel du 66° Nord, éd° Transboréal

Dans la descente c’est le whiteout. Le vent siffle. J’opte pour le même tracé qu’à l’aller. Technique du Petit Poucet, sans cailloux. Mais les rafales qui balaient le glacier recouvrent vite les traces que j’espère suivre. J’erre à l’aveugle, à tâtons, les doigts serrés sur la tête du piolet et du bâton. Tous les cent mètres environ, je sors le GPS pour m’assurer du cap à suivre. Le vent rend la neige croûteuse. Une neveloppe se forme sur mes fermeture Éclair. J’en brise une. Une heure plus tard, la peur des crevasses refait surface.
“Reste lucide, calme-toi. Ce soir c’est pâte à la bolognaise, au chaud et à l’abri”, me répété-je au moment de retraverser le pont de neige. Je reste concentré, les yeux rivés sur cette glace couverte de flocons que mes crampons griffent à chaque pas. Sans m’en rendre compte, je dévie légèrement de ma trajectoire initiale. en une fraction de seconde, le sol s’ouvre, ma jambe droite passe au travers, dans le vide, ballante, cherchant un appui qui ne vient pas. Le cœur cogne fort.